
En Bretagne, terre des saints, l’hagiographie est un secteur important de l’histoire religieuse. La Bretagne catholique et royale, terre chrétienne puis de démocratie chrétienne, a gardé le souvenir de ses saints. Les fêtes patronales, les pardons, sont devenus une réalité touristique autant que religieuse.
Mais la Bretagne est une terre de contrastes. Un de ses plus célèbres intellectuels, Ernest Renan, a été séminariste, avant de devenir un des grands chantres de la libre pensée. Une grande partie de son œuvre a été une histoire religieuse, 5 volumes de l’Histoire du peuple d’Israël et 7 des Origines du christianisme, dont sa célèbre Vie de Jésus est l’élément central. On retrouve ces contradictions dans la culture bretonne actuelle. À côté d’une immense production d’ouvrages religieux, la production scientifique est encore marquée par le positivisme et même le souvenir de l’école hypercritique. La Bretagne est terre d’Église, mais aussi d’anticléricalisme…
Ajoutons à cela la difficulté de bien connaître les saints qui remontent pour la plupart aux Dark Ages mérovingiens, la légende nationaliste qui veut que « les saints bretons ne sont pas reconnus par Rome » et l’on a, avec ‘hagiographie bretonne, un champ de travail immense et complexe.
Périodisation des saints vénérés en Bretagne
Tous les saints n’ont pas été vénérés avec un égal intérêt à toutes les époques. Il y a des modes et des abandons. On peut distinguer plusieurs groupes de saints selon l’époque, avec des changements qui scandent la périodisation de l’histoire religieuse.
1 Les saints gallo-romains. Ce sont les saints qui ont pu être honorés en Armorique avant l’arrivée des bretons. Ils sont peu nombreux. Ils sont souvent mal connus comme saint Clair de Nantes qui aurait évangélisé la Haute Bretagne. On connaît aussi le gallo romain saint Germain d’Auxerre, titulaire de nombreux lieux de culte anciens. On n’est pas toujours certain que leur culte soit vraiment antérieur à la venue des bretons. Il en est ainsi de saint Pierre et saint Paul dans le cas des paroisses primitives.
2 Les saints de l’émigration. Ce sont les saints bretons venus du Ve au VIIe siècle, ceux qui encadrent les émigrants et fondent évêchés et monastères, les plou, les lann… On doit citer d’abord les sept saints du Tro Breiz (sauf saint Paterne) et les fondateurs des grans monastères comme saint Guénolé, saint Gildas… Mais beaucoup d’autres sont des « saints de l’ombre », dont les vies sont tardives et légendaires, ou même ne sont connu que par un toponyme…
3 Les saints de l’époque carolingienne, peu nombreux, mais représentés au moins par Saint-Sauveur, le vocable de l’abbaye de Redon et aussi de l’abbaye Saint-Gildas réfugiée à Châteauroux sous le nom d’abbaye Saint-Sauveur et Saint-Gildas. Il y a aussi peut-être saint Michel, saint Martin…
4 Les saints de la refondation du culte, essentiellement des monastères après les invasions normandes. Ce sont les saints qui organisent la restauration des monastères après l’époque des invasions normandes. Leur culte a été encouragé par les moines.
5 Les saints du Moyen Âge classique, D’abord Notre-Dame, sous ses divers titres, saint Nicolas, vénéré dans les châteaux comme à Suscinio, saint Jacques…
6 Les saints du Moyen Âge finissant, comme saint Yves ou saint Vincent Ferrier. Ils sont peu nombreux, mais bien connus et leur culte a été encouragé par l’Église.
7 Les saints de la Réforme catholique qui suit le concile de Trente, et que l’Église met à la place de saints bretons inconnus ou peu présentables. Le principal est saint Isidore, un saint espagnol canonisé avec les fondateurs des jésuites. Puis il y a sainte Anne dont le culte est ravivé par les apparitions d’Auray, saint Joseph…
8 Les saints dont le culte se répand après la Révolution. La période qui suit le concordat, le retour à la paix religieuse, amène des saints que l’on trouve un peu partout, comme saint Antoine de Padoue, sainte Thérèse…
9 Les saints de l’époque contemporaine. Peu représentés encore, ce sont les saints canonisés après le Concile Vatican II.