Les personnages qui jouèrent un rôle majeur dans la destinée d’Anne de Bretagne appartenaient tous à sa parenté dite « bretonne ». Anne ne fit que récolter les fruits de la politique familiale des ducs de Bretagne de la maison de Montfort qui pour asseoir leur légitimité et leur pouvoir sur la Bretagne s’allièrent aux plus grandes familles de la noblesse bretonne, les Laval-Vitré, les Rohan, les Rieux.
Anne ne fut pas une fille unique. Elle eut une sœur cadette utérine, Ysabeau, et des grands frères et sœurs, issus des amours de son père, François II avec Antoinette de Maignelais. François d’Avaugour, l’aîné des bâtards ducaux, légitimé, fut le seul qui survécut. Il reçut de son père d’immenses propriétés en Bretagne, les seigneuries de Clisson, de Goëlo et d’Avaugour (apanage de Richard d’Etampes, père de François II, constitué par Jean V à partir des confiscations réalisées aux dépens des Penthièvre après 1420) et même le comté de Vertus en Champagne (venant de la mère de François II), et on pensa même à lui pour ceindre la couronne de Bretagne lors de la guerre contre le roi de France en 1488. Mais la régente Anne de Beaujeu ne l’aurait jamais accepté et on abandonna le projet. Durant cette guerre, dite d’Indépendance par certains ou folle par d’autres (1485-1488), le duc François II fut soutenu par sa parenté, son neveu, le prince d’Orange, grand seigneur surtout en Franche-Comté (à l’époque le comté de Bourgogne) et surtout ses cousins, Louis de France, duc d’Orléans, alors héritier en second du trône français, Alain d’Albret, grand seigneur gascon et par son épouse, comte de Périgord, et Charles de France, comte de Vendôme (le grand-père du roi François Ier). Anne, unique héritière de son père, devint un enjeu : Louis d’Orléans et Alain d’Albret convoitèrent sa main. Ce dernier était appuyé par sa demi-sœur, François de Dinan-Montafilant, baronne de Châteaubriant et de Candé, et par son cousin, le maréchal de Rieux, tous deux extrêmement riches en Bretagne, chacun disposant de plus de quarante forteresses. Jean II, vicomte de Rohan, un autre cousin, réclama la succession de François II car sa femme, Marie de Bretagne, possédait plus de droits sur le trône breton qu’Anne (elle était la fille du duc François Ier). Lui aussi disposait d’une quarantaine de châteaux bretons sans compter son étroite parenté avec le roi de France. A la veille de sa mort, François II désigna son cousin, le maréchal de Rieux, en tant que tuteur de sa fille et régent de Bretagne, et sa cousine, Françoise de Dinan, comme gouvernante d’Anne.
Après la défaite de l’armée bretonne conduite par le maréchal de Rieux face aux troupes du roi de France à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (28 juillet 1488), la parenté d’Anne, après qu’elle eut repoussé comme fiancé le vieux et laid Alain d’Albret, accepta un mariage avec le roi Charles VIII, son plus lointain cousin. Il est vrai que les armées royales avaient envahi la Bretagne et que cette parenté obtint des dédommagements financiers énormes. Anne de Beaujeu et Charles VIII leur laissèrent leurs terres et leurs châteaux. Il est vrai que leur réseau familial était très important et que leurs vassaux se comptaient par milliers. Par ailleurs, ils appartenaient à la cour du roi de France.
Anne de Bretagne, devenue reine de France, en voulut-elle à cette parenté ? Elle trouva un arrangement financier avec le vicomte de Rohan pour qu’il abandonne ses droits sur le trône breton, mais son pire ennemi resta toute sa vie Pierre de Rohan-Gié. Elle ne parvint pas à le faire exécuter, mais seulement à le disgracier et à l’exiler. Guy XVI de Laval, baron de Vitré, fut membre de son entourage et c’est elle qui lui arrangea un magnifique mariage avec Charlotte d’Aragon, héritière du royaume de Naples. Le cousin germain d’Anne, le prince d’Orange, resta jusqu’à sa mort en 1502 lieutenant général de Bretagne (soit représentant des souverains pour les affaires militaires). Lui succéda son cousin, le maréchal de Rieux, qui le resta même après la mort d’Anne. Il est vrai qu’ils étaient si riches en Bretagne… et qu’il était si proche parent du nouveau roi de France, François Ier que ce souverain l’appelait « mon oncle ».
On peut se demander si une des raisons du refus catégorique d’Anne de voir sa fille épouser François d’Angoulême n’était pas leur étroite parenté car Claude et François de France se trouvaient être plusieurs fois cousins. Mais elle échoua car ce prince reçut le soutien inconditionnel de sa parenté bretonne, c’est-à-dire du très puissant réseau Rohan, sur lequel s’étaient à la fois appuyés et défiés François II et Anne. Il est vrai que le roi François Ier leur laissa le contrôle de la Bretagne.