A-t-on aujourd’hui le droit d’enseigner l’histoire de Bretagne en Bretagne?

Au nom du Recteur de l’Académie de Rennes,

Deux Inspecteurs de l’Académie de Rennes, l’un d’histoire et l’autre de breton, répondent au courrier du CHB-KIB en date du 30 mars 2016.

Rennes, le 18 mai 2016,

Monsieur,

Votre courrier en date du 30 mars dernier nous a bien été transmis et nous avons pris bonne note de vos remarques.

Comme cela vous avait été rappelé à l’issue de votre précédente demande d’entretien au mois de novembre 2014, les professeurs ont toute latitude pour employer dans le cadre de leur enseignement les ressources qui leur paraissent les plus appropriées à la mise en œuvre des programmes. Ils peuvent donc bien évidemment prendre des exemples dans le cadre breton tant en histoire qu’en géographie, non dans une perspective d’histoire ou de géographie locales ou régionales, mais pour concrétiser les phénomènes et les notions qu’ils abordent et sans se limiter au cadre de la région. Il ne s’agit toutefois pas d’«enseigner l’histoire de la Bretagne », mais bien de mobiliser des repères ou des exemples en vue de construire les apprentissages attendus dans le cadre des programmes nationaux.

L’actuelle réforme du collège, en renforçant la possibilité de choix offerte aux enseignants, ne fait dans ce domaine que confirmer leur liberté pédagogique. Les enseignements pratiques interdisciplinaires, qui sont des modalités particulières de traitement des programmes, contribuent tout particulièrement à cette liberté. En revanche, concernant un EPI portant la thématique « langues et cultures régionales », il n’est nullement obligatoire de le dispenser dans une langue régionale, ainsi que cela a pu être rappelé lors des journées de formation qui se sont déroulées depuis le mois de décembre dans l’académie lorsque la question a été posée.

Enfin, en ce concerne le mouvement de mutations sur des postes à profil SPEA, je vous rappelle qu’il répond à une procédure spécifique et qu’il est actuellement en cours. Les demandes sont par ailleurs soumises à l’avis des organisations représentatives dans le cadre d’un groupe de travail.

En espérant avoir répondu à vos interrogations, nous vous prions de recevoir, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.

Et c’est signé par Christian LIPPOLD, IA-IPR d’histoire-géographie et Rémy GUILLOU, IA-IPR Langues et Cultures Régionales.

Pour information : Un IA-IPR est un inspecteur d’Académie-Inspecteur pédagogique régional.

Pour le CHB-KIB, Frédéric Morvan, son président.

Histoire de la Bretagne

 


Déclaration du Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh.

A-t-on aujourd’hui le droit d’enseigner l’histoire de Bretagne en Bretagne ?

L’urgence de la situation réclame une intervention en proportion. En effet, il y a urgence. Cela fait longtemps que les Bretons et les Bretonnes n’ont jamais été aussi influents, tant au point de vue politique – regardez le nombre de ministres d’origine bretonne ou ayant des attaches avec la Bretagne -, économique – il suffit d’énumérer le nombre de grands industriels bretons ou le succès très envié de Produit en Bretagne , et bien sûr culturel – la culture bretonne et de Bretagne est reconnue ; très vendable car très appréciée. Il est vrai que les Bretons hors de Bretagne l’ont véhiculée.

Et pourtant ? Si la langue bretonne reste très en danger, que dire de l’histoire de la Bretagne ? Bien sûr, les bouquins sur l’histoire de la Bretagne se vendent comme des petits pains. Il suffit de mettre le portrait d’Anne de Bretagne sur la couverture d’un magazine pour voir les tirages s’envoler. Les associations – surtout les plus récentes et les moins « institutionnelles », pour l’histoire de Bretagne marchent très bien. Et les adhérents s’y comptent par centaines, voire milliers.  On peut donner ici comme exemple le Centre généalogique et historique du Poher, mais aussi le petit et très récent Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh. Comme je l’ai mentionné, au nom du CHB-KIB au plus haut responsable politique de Bretagne, la demande est présente et forte, mais si l’offre « privée » est là, les établissements « publics » sont les grands absents.

Ni l’Etat, ni les collectivités régionales ou locales, semblent vouloir y toucher que du bout des doigts. Et pourtant un nombre incroyable de politiques sont des historiens, ou ont des formations historiques, et connaissent l’histoire de la Bretagne. Ils écoutent, mais …  alors que plusieurs projets s’appuyant sur la diffusion de l’histoire de la Bretagne sont aujourd’hui à l’origine d’activités économiques de grande ampleur (Vallée des saints, Projet Diorren, etc).

Lorsque le CHB-KIB s’était rendu au ministère de l’Education nationale en mai 2014 pour parler de l’histoire de la Bretagne, la conseillère du ministre (alors à l’époque un breton historien formé à l’université de Brest) nous avait dit, je la cite « je suis outré d’apprendre qu’il est très difficile d’enseigner l’histoire de la Bretagne dans l’Académie de Rennes ». En novembre 2014, le CHB-KIB rencontre, à la demande du recteur de l’Académie, trois inspecteurs, affaires culturelles, breton Histoire-géographie. Il nous a fallu tout notre sens de la diplomatie pour que la réunion ne tourne au fiasco. Nous avons eu le droit – et il semblerait que le Recteur de l’époque lui-même ait mis la touche finale – à la diffusion d’un communiqué mentionnant que les enseignants d’histoire du Primaire et du Secondaire avaient le droit d’enseigner l’histoire de la Bretagne dans le cadre des programmes. La bras droit du ministre de l’EN nous avait mentionné : « avec la réforme des collèges en préparation, les professeur d’histoire auront plus de souplesse dans leur enseignement et donc… ». Et c’est vrai que dans la réforme, on voit arriver les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), avec l’option Langues et cultures régionales. Mais des témoignages de nos membres enseignants d’histoire nous arrivent. Que se passent-ils ? C’est le grand flou…. Il semblerait que l’EPI langues et cultures bretonnes doit se faire en breton. Comme on n’a jamais parlé partout le breton en Bretagne… On n’avance guère.

Quant aux universités de Bretagne, s’il y a quelques actions dont celle organisée par Laurent Legall à l’université de Brest, c’est bien maigre. Quelques heureux élus qui ont fait quelques recherches sur l’histoire de Bretagne parviennent à y enseigner. Beaucoup d’autres, – et là le CA du CHB-KIB m’a demandé de le mentionner, de rompre mon silence – dont votre serviteur, même s’ils ont été au CNRS, n’y ont pas accès, leur dossier de candidature n’étant même pas « examiné » par le Conseil national des universités.

Pourquoi ? En fait la vraie question est de quoi a-t-on peur ? Certains ont peur pour leur carrière s’ils enseignent l’histoire de Bretagne car on dit que c’est mal vu. D’autres, cadres de la fonction publique, pensent que cela ne peut que favoriser le nationalisme identitaire breton, participant ainsi à l’affaiblissement de la République. Et pourtant on dit que les Bretons constituent un des principaux pivots de cette République.